La voix de la vallée (cjs)
Il n'y a rien
rien de tout cela
je suis le calme
le calme et le mouvement
l'étendue verte les vagues vertes
et tous les oiseaux noirs vers les nuages
le vent qui monte vers la Lune
et le ciel
qui se répand sur son siège
sur notre terre
le blé l'orge l'avoine l'ail
qui se lèvent
l'herbe qui fait la folle
le silence et sa parole
son repos et son incessante initiative
regarde moi
je suis ici
la bouche grande ouverte
je suis pleine de cavernes, de rivières
pleines de bètes dont les identités réunies
sont le rythme lancinant
de notre longue marche
il y a tout cela
et ce n'est rien
je suis le calme
et la croissance invisible
que nul saurait suivre
par une trop simple volonté
regarde mes mots
tout ce que tu viens de décrire
les pierres des étables qui jouent à saute mouton
les feuilles qui s'envolent
qui s'accrochent aux arbres
la séduction des fleurs
de mes fleurs celles que je t'offre
mon cœur dans les nuages arrêtés
le vent qui se fige
reste là, je te prie
ma terre est encore froide
attends le jour
le passage des troupeaux
conduits par le vieux aux poils blancs
laisse toi profiter de mes eaux
je t'aime
je t'aime quand tu vas d'un endroit à l'autre
quand tu rentres dans ma petite chapelle romane
puis quand, langoureusement
tu reconnais de tes doigts l'écorce de mes poils
j'imagine alors ce que tu imagines
nous nous enfermons dans le silence
il y a un secret pour chaque couple tel que nous
et jamais encore nous avons prononcé un mot
(Laurent, la vallée de la Masse, début du Printemps)